Les bitcoins sont-ils de l’argent ?

Étant donné leur nature immatérielle, nous sommes en droit de nous demander si les bitcoins sont de « l’argent » à proprement parler. Mais pour répondre à cette question, il faut d’abord comprendre la nature de ce qui se fait appeler « argent ».

 

Les facteurs de l’argent

L’argent est généralement compris comme ce qui possède une certaine valeur d’échange, en d’autres termes, une devise. Or cette valeur est affaire de degré : un billet de 1 dollar n’a aucune valeur d’échange pour une tribu vivant à l’écart du monde. Il pourrait tout au plus avoir une valeur de troc pour ses qualités physiques, sa couleur, etc. mais nullement en raison de sa devise monétaire.

Autre exemple : un dollar peut être accepté en France, où il doit être converti en euros, mais durant cette conversion, le dollar peut perdre ou gagner en valeur d’achat – 1 dollar vaut environ 90 centimes d’euros à l’heure actuelle, et il ne fait l’ombre d’aucun doute qu’un Américain avec 1 dollar fait bien plus qu’un Français avec quelques centimes. Ainsi, 1 dollar en France a bien moins de valeur qu’aux USA, nous pouvons dire qu’il est « moins une devise ».

Enfin, pour parachever ces cas de figure, nous pouvons également mentionner le fait que des monnaies perdent ou gagnent de la valeur simplement avec le temps. Le yen japonais, apparu en 1871, connaissait à ses débuts des sous-unités (comme le dollar connaît des cents et des dimes), nommées rin et sen. Mais avec la perte progressive de la valeur du yen, celles des rin et les sens étaient devenues parfaitement insignifiantes. Aujourd’hui, 1 yen ne représente quasiment plus rien sur le territoire nippon, alors qu’il a pu être, jadis, une somme à ce point exorbitante qu’il fut nécessaire de le subdiviser.

 

Une différence de plus en plus floue

Tout ceci nous démontre que l’argent n’a aucune valeur intrinsèque, fixe, essentielle. Celle-ci évolue, fluctue, disparaît, ré-apparaît en fonction du temps et des événements. L’argent n’a de la valeur que parce que certaines personnes y ont assigné une. Concession faite, l’écrasante majorité de la population mondiale assigne de la valeur aux devises monétaires, faisant de facto d’elles de « l’argent ». Conséquemment, si vous tentez de payer dans un restaurant au hasard avec des dollars et avec des bitcoins, la différence entre ce qui et ce qui n’est pas de l’argent apparaîtra de manière palpable.

Au premier abord donc, il semblerait que le bitcoin ne soit pas de l’argent fiduciaire, puisque le nombre d’établissements acceptant le bitcoin comme monnaie d’échange est encore nettement inférieur à ceux qui ne le reconnaissent guère. En avril 2017, on recensait toutefois en circulation l’équivalent de 20 milliards de dollar en bitcoins, deux fois plus qu’en 2013. Une goutte d’eau par rapport au cumul des dollars en usage, mais un nombre assez grand et surtout qui s’est accru assez vite pour que certains économistes n’hésitent pas à parler du bitcoin comme d’une « monnaie pré-fiduciaire » (Lemieux, 2013).

 

Pour le futur…

La démocratisation de l’accès aux paiements via bitcoins grâce aux différentes applications permettant de créer un porte-monnaie virtuel (un wallet) fait qu’en l’état, n’importe qui possédant un appareil électronique connecté à Internet est en mesure d’utiliser et de recevoir des bitcoins. Ce qui sépare alors le bitcoin d’un statut entériné « d’argent » est la volonté des établissements d’accepter le bitcoin comme une devise valable.